Dans notre tour du monde de quelques infusions remarquables et en restant dans l'hémisphère Sud il convient d’évoquer le maté, cette boisson emblématique de l’Amérique du sud. Comme dans nos autres présentations, on fera un petit rappel historique et de botanique, puis on évoquera son intérêt sur le plan du bien être.
Petit rappel historique
Le maté est souvent nommé à tort, thé maté, thé du Brésil, thé du Paraguay ou encore thé des jésuites (voir plus bas). Au départ le maté ou chimarrão est une boisson traditionnelle des indiens Guaranis, un groupe de populations amérindiennes des régions amazoniennes du Brésil, d'Argentine et du Paraguay.
A l'origine les indiens récoltaient le maté dans les forêts sur des arbres sauvages. De plus en plus apprécié des colons européens vers la fin du XVI siècle ce sont les jésuites qui réussirent à domestiquer la plante pour en faire de véritables plantations dans leurs missions du Paraguay. C’est donc malgré l’opposition du Saint Siège, qui l’appelait «l’herbe du démon» que cette culture devint une activité rentable avec des exportations jusqu’en Europe. Après l'expulsion des jésuites vers 1770 ces plantations étaient abandonnées. C’est seulement après l'indépendance du Paraguay en 1811 que la culture du maté s’y développa à nouveau et durant deux siècles le Paraguay en fut le premier exportateur. C’est à la fin du XIX siècle que l’Argentine en introduit la culture et devint premier producteur mondial vers 1990, suivi du Brésil et du Paraguay.
Un peu de botanique
Le maté, appelé aussi yerba maté est élaboré à partir des feuilles d’Ilex paraguariensis, nommé ainsi par le naturaliste français Auguste de Saint Hilaire en 1822. Ce houx du Paraguay est très proche du houx que l'on connait en Europe Ilex aquifolium, toutes les deux plantes de la famille des Aquifoliacées.
| Le genre Ilex compte 400 espèces répandues dans les régions tempérées ou tropicales(1). Le maté à l'état sauvage peut mesurer jusqu’à 15 mètres de haut. Comme notre houx commun il a des feuilles persistantes qui seront consommées après torréfaction. Ces arbres poussent dans des régions où la pluviométrie n'est pas inférieure à 1200 mm annuelle, bien répartie tout au long de le l'année. Il est aussi exigeant en température, car il ne résiste pas en dessous de 6°C et préfère une température moyenne de 20-22°C. La culture et la récolte du maté sont très variables. Le maté peut se récolter dans les forêts naturelles. Une autre méthode consiste à exploiter les arbres des forêts en leur procurant quelques soins comme la taille. La méthode la plus efficace pour la quantité et la qualité reste la plantation qui permet d'utiliser la mécanisation agricole. La cueillette commence quatre à cinq ans après la plantation et a lieu tout les trois ans. |
Après la cueillette les feuilles de maté subissent une faible fermentation et sont blanchies au contact direct du feu pour inhiber la polyphénol oxidase. Ensuite le maté est séché très lentement en utilisant la fumée de bois. Ceci induit des flaveurs caractéristiques et une apparence particulière. Il est intéressant de comparer le traitement des feuilles de maté avec celui des feuilles de thé. Pour le thé vert les feuilles sont séchées dans une poêle à une température élevée ou soumises à un jet de vapeur brulant mais pendant un court instant, ce qui permet de développer les composés aromatiques. Pour le thé noir on favorise l'oxydation des polyphénols sous les actions enzymatiques qui conduit à la production de théaflavines. Notons que la cueillette n’est pas aussi fine qu’il est de règle pour la plupart des thés car le maté contient également des morceaux de tiges. (2)
La préparation de l'infusion Pour préparer et consommer le maté on se sert d’une petite calebasse ("mati" en quechua) dans laquelle on place une sorte de paille à bout fermé finement troué (bombilla) qui sert de filtre. On remplit la calebasse de feuilles de maté, puis on ajoute de l’eau chaude. On laisse l'herbe s'imbiber quelques instants, puis on aspire et on recrache cette première eau qui est la plus amère ; on remplit à nouveau la calebasse avec de l'eau à 70-80°C- elle ne doit jamais bouillir. Après 2-4 minutes, l’hôte boit la première infusion et la passe au premier de ses convives. | |
Les vertus du maté
Sur le plan organoleptique, le goût du maté est très spécifique et assez différent des thés. On pourrait décrire saveur et odeur comme suit :
• saveur forte et piquante, surtout si elle est préparée de façon traditionnelle à partir de la calebasse et de la paille
• légèrement terreuse mais beaucoup moins accentué que les thés pu’er
• amer, à cause de la présence de saponine, mais pas très astringent
• odeur légèrement camphrée.
| Sur le plan de la santé, les populations indigènes ont toujours considéré le maté comme une boisson aux effets bénéfiques. Il aurait une action sur le cholestérol, les fonctions digestives, diurétiques, cardio-vasculaires. Les feuilles de maté contenant de la théophylline et de la caféine, cette infusion a donc un effet tonique sur le système nerveux et musculaire. Enfin le maté aurait une influence sur le stockage des graisses dans le corps.(3)(4) |
La feuille de maté contient de la caféine : 0,3 à 1,7%, contre 0,4 à 4,5% pour la feuille de thé et contre 0,8 à 2,2 % pour le grain de café, le maté contient aussi de la théobromine (0,3% à 0,9%) et des traces de théophylline. Il est également riche en composants phénoliques qui agissent sur les radicaux libres responsables du vieillissement des cellules. Enfin une particularité du maté est qu’il est riche en saponine, celle-ci aiderait à digérer les grandes quantités de viande consommée par les argentins et les uruguayens.
Si vous voulez en savoir plus :
1) Collectif- 1991- Le bon jardinier. Tome 2. 153ème édition. La maison rustique. Flammarion. Paris
2) Heck, C. and De Mejia, E. -2007-, Yerba Mate Tea (Ilex paraguariensis): A Comprehensive Review on Chemistry, Health Implications, and Technological Considerations. Journal of Food Science, 72: R138–R151.
3) Martinet A, Hostettmann K, Schutz Y. 1999. Thermogenic effects of commercially available plant preparations aimed at treating human obesity. Phytomedicine 6:231–8.
4) Andersen T, Fogh J. 2001. Weight loss and delayed gastric emptying following a South American herbal preparation in overweight patients. J Hum Nutr Diet 14:243–50.
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